vendredi 26 novembre 2010

Vu dans la Dépêche du Midi 26 novembre 2010

Les secrets de fabrication du Caviar des Pyrénées 

Les secrets de fabrication du Caviar des Pyrénées 
Les secrets de fabrication du Caviar des Pyrénées 
Traversez la frontière, dans le Val d’Aran, entre Luchon et l’Andorre. C’est à Les, le premier village espagnol, que vous trouverez la pisciculture Nacarii, une centrale hydroélectrique discrète reconvertie partiellement par le groupe Neoelectra dans le caviar. La production a commencé en 1999, mais il a fallu attendre 2005 pour la distribution. Mets de luxe, le caviar ne se fabrique pas en un coup de cuillère à pot, même si l’élevage est désormais le seul processus autorisé pour le commercialiser. La principale raison réside dans le cycle de la femelle esturgeon, qui ne pond qu’une fois dans sa vie, à l’âge de 7 ans.
Cernés par les montagnes, six bassins s’étendent tout en longueur. Ils sont parallèles à la Garonne, dont les sources se situent à une vingtaine de kilomètres, Près de 85 000 acipenser baerii (variété sibérienne) s’ébattent dans l’eau filtrée et chauffée. D’un côté, les alevins, achetés en France et en Italie, dont on ne différencie pas encore le sexe. De l’autre, les adultes, nourris avec une alimentation naturelle. En aval, l’eau rejoint le fleuve après avoir été refroidie. La pisciculture est en conversion bio, et la fabrication demeure artisanale, avec seulement quatre salariés. La production reste confidentielle : 700kg cette année, contre une vingtaine de tonnes dans l’Aquitaine.

Vendu dans le monde entier

Deux fois par an, à l’automne et au printemps, les femelles de 7 ans sont extraites de l’eau les unes après les autres dans une épuisette et soumises à une rapide biopsie, dans un cabanon proche, à l’aide d’un emporte-pièce. Elles sont ensuite placées dans un bassin dit de repos, puis baguées et remises à l’eau, selon la taille de leurs œufs ou leur destination. Le Caviar des Pyrénées se vend sous le nom Nacarii en Espagne, au Japon, à Singapour, en Suisse, en Allemagne et en Amérique Centrale. Il se trouve aussi en France, depuis que Florence Grimm a créé la marque Caviar des Pyrénées. Propriétaire de la loge Assiette Norvégienne, au marché Victor-Hugo, elle développe ce produit d’exception en France depuis cinq ans.
Lorsque les femelles sont à maturité, elles sont endormies, tuées et transférées à l’intérieur du bâtiment. Dans la chambre froide, les employés habillés de vêtements chirurgicaux leur ouvrent le ventre avec un couteau pour en ôter les œufs. Cette année, la moyenne était de 530 grammes par esturgeon. Ils sont triés grâce à un tamis, pesés, goûtés, rincés à l’eau minérale et salés durant quatre minutes. Le salage appartient aux secrets de fabrication dans le métier, tout comme la provenance des esturgeons. « On ajoute du sel spécial de Murcia, à hauteur de 3% environ », confie toutefois Angel Moreno, l’un des salariés. Le caviar est ensuite conditionné dans des boites de toutes tailles, dûment étiquetées et scellées d’un élastique. Les esturgeons morts sont quant à eux reconvertis dans le commerce en filets de poisson ou en poisson fumé. Rien ne perd, tout se récupère ! Dans l’esturgeon, tout est bon…
Dans un secteur où la contrebande et les importations sauvages de Russie sont légion, la contre-étiquette, située sur le dessous de la boite, sert de référence. Elle affiche en effet les informations indispensables (date de production, référence Cites*, origine et composition) et sa couleur diffère selon celle du caviar. « Plus il est clair, avec des reflets dorés, meilleur il est », précise Angel. La taille a également une importance capitale. Si le grain mesure moins de 2,7 mm, il appartient à la gamme Origine, et au-delà, à l’Infinite, plus chère.

A chacun son caviar

Une fois en boite, l’or noir se conserve durant un an. Pour préserver ses qualités, mieux vaut ne jamais rompre la chaîne du froid, et le conserver à des températures entre -3 et +3°C. Certains préfèrent le consommer frais, peu après la pèche. Doux et peu salé, il exhale alors des arômes de noisette et d’amande. Au fil du temps, le sel s’homogénéise avec les œufs. Les Russes, par exemple, le préfèrent à maturation extrême, iodé, puissant et long en bouche. Il se déguste traditionnellement sur un lit de glace avec une cuillère en bois, en nacre, en ivoire ou en plastique, mais jamais avec du métal, qui en altère le goût. On l’accompagne de champagne ou de vodka glacée.
Crepchignon à Cornebarrieu
« J’ambitionne de vendre 300 kg de Caviar des Pyrénées l’année prochaine en France, explique Florence Grimm. A Toulouse, il est revendu dans plusieurs commerces et de plus en plus de restaurateurs le cuisinent. » Franck Reminel de En Marge, et Yannick Delpech de l’Amphitryon, l’ont déjà adopté. Peu connu du grand public, cet aliment raffiné se construit pourtant progressivement une jolie réputation dans le milieu de l’alimentation et de la gastronomie et vient concurrencer son voisin d’Aquitaine. A Cornebarrieu, le restaurant Crep’Chignon a décidé récemment de l’intégrer à sa carte, spécialisée dans les crêpes et les galettes originales. « Je trouve ça génial qu’on fabrique du caviar estampillé des Pyrénées à une heure et demie de Toulouse, estime le gérant, Guillaume Villain. C’est une information que je me ferai un plaisir de partager avec mes clients ! » La pisciculture poursuit elle aussi son évolution, elle se dotera prochainement d’un biologiste pour superviser les naissances d’esturgeons et d’une cabane en bois pour la dégustation. Le luxe à portée de main…
manon.haussy@depechemag.com

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